La mer! partout la mer! des flots, des flots encor

Sunday, March 04, 2007

Alfred de Vigny - s'il n'en restait qu'un...

Que dire d'Alfred de Vigny ? Il est celui qui me touche le plus ; le Poète cher à mon cœur. Avec lui rien de vulgaire, de gratuit. Les affres et douleurs humaines, les moindre méandres de la pensées sont transcendées. Dieu transparait souvent comme le filagramme nécessaire à toute vie terrestre. Mystique me direz-vous ? Oui, mais tellement humain dans ses romans.

On lit Vigny comme on écoute la "Passion Selon St Mathieu" de Bach ; on en sort différent et serein.

D'un point de vue purement littéraire, Vigny a tout fait avant les autres…

  • Hugo lui a volé la vedette avec "Les Orientales", mais après "les Poèmes Antiques et Modernes", après "Eloa ou la sœur des anges"…
  • Le magnifique "Cinq-Mars" longtemps avant les Dumas ; inoubliable, terrifiant …
  • Quels mots pour "Servitude et Grandeur Militaires" sinon qu'il est un chef d'œuvre absolu de notre littérature.

Lire Alfred de Vigny est une rencontre avec soi-même. Le beau y côtoie l'absolu. Tout est vrai, fulgurant, même dans ses maladresses tant décriées… Mais là où Hugo s'étire, se perd, s'alourdit, Vigny touche et nous parle avec le cœur.

Je citerais pour finir quelques vers de "La maison du Berger" extrait "Des Destinées"

Je verrai, si tu veux, les pays de la neige,
Ceux où l'astre amoureux dévore et resplendit,
Ceux que heurtent les vents, ceux que la mer assiège,
Ceux où le pôle obscur sous sa glace est maudit.
Nous suivrons du hasard la course vagabonde.
Que m'importe le jour ? que m'importe le monde ?
Je dirai qu'ils sont beaux quand tes yeux l'auront dit.
A lire... (tout!)
- Cinq Mars
- Servitude et Grandeur Militaires
- Stello
- Les Destinees
- Poemes antiques et modernes
...

Tuesday, August 22, 2006

Vie de Rancé - Poétique de l'au delà

Chateaubriand, Vie de Rancé

Lire "Vie de Rancé" c'est faire avec Chateaubriand un pas au-delà du réel et des préoccupations quotidiennes qui peuvent être les nôtres. Rancé a vécu 74 ans. 37 au grand jour et 37 dans l'ombre. Pourtant sa deuxième vie est faite de Lumière.

Ce livre est certainement le plus incroyable écrit par l'auteur et se place juste à coté des "Mémoires d'outre-tombe". On reste abasourdi par tant de la poésie déployée. Comme Mozart pour son Requiem, Chateaubriand, au soir de sa vie, a reçu une commande de son confesseur l'Abbé Séguin et la réalise avec ferveur.

Des éclairs, un style inimaginable aujourd'hui. A-t-on depuis, écrit avec ce génie ?


Les âmes qui portaient des souvenirs disparaissaient comme ces vapeurs que j'ai vues dans mon enfance sur les côtes de la Bretagne ; brouillards, assurait-on, produits par les volcans lointains de la Sicile. On rencontrait sur toutes les routes de La Trappe des fuyards du monde ; Rancé à ses risques et périls les allait recueillir ; il rapportait dans un pan de sa robe des cendres brûlantes, qu'il semait sur des friches. Aujourd'hui, on ne voit plus glisser dans les ombres ces chasses blanches, dont Charles Quint et Catherine de Médicis croyaient entendre les cors parmi les ruines du château de Lusignan, tandis qu'une fée envolée faisait son cri.

En descendant des hauteurs boisées où je cherchais les lares de Rancé, s'offraient des clochers de paille tordus par la fumée ; des nuages abaissés filaient comme une vapeur blanche au plus bas des vallons.

Comment peut-on oser après…


Thursday, August 03, 2006

Les Cavaliers de Kessel ou le temps suspendu

Les Cavaliers de Joseph Kessel. Que dire, sinon la tristesse de la dernière page. On aimerait que ce livre ne finisse jamais tant l'auteur nous emporte dans un tourbillon de mots.

Quel style !
Quels personnages !
Quel auteur !


Joseph Kessel vous plonge dans les grandes steppes, dans un voyage à travers l'Afghanistan rêvé, transfiguré par l'auteur. Tout commence aavec le
Bouzkachi, jeu terrible dont la caracasse d'un belier fraichement tué est l'enjeu que les protagonistes se disputent à cheval, où tous les coups sont permis, ...

Ce roman est du même niveau que "Fortune Carrée", s'il ne le surpasse. On ne sort pas indemne, certes, mais transformé et ému. Pourtant qu'il est cruel, sauvage, violent. Aucun répit. On devient sage comme Guardi Guedj, fier comme le grand Toursène, violent comme son fils Ouroz, et pour un peu on échangerait quelques instants de notre condition humaine pour Jehol "le Cheval Fou"

Extraits

"Pour l'étalon, son allure tenait moins de la course que du vol. Suspendu, étendu dans l'air, il ne touchait le sol que pour s'en détacher d'un seul battement. Et Ouroz, le visage contre la crinière flottante, le corps léger, délié, comme fluide, n'avait point d'autre voeu que de flotter ainsi qu'il le faisait au-dessus de la steppe et si près d'elle que cette terre, cette herbe et sa propre essence lui semblait confondues"

Merci Jospeh Kessel, Tu es parti - depuis longtemps - rejoindre les âmes fortes. Il nous reste tes livres et la vie qui s'en dégage est un cri d'espoir.


Tuesday, July 18, 2006

Je te connais maintenant, dit-elle. Il faut s'aimer pour se connaître.

André Pieyre de Mandiargues, Le Lis de Mer

Par ces temps d'extrême chaleur, je ne peux que vous recommander ce livre splendide de Pieyre de Mandiargues. Calez-vous dans un fauteuil, dans la fraicheur d'une pièce, à l'écart et partez pour un voyage sur la côte orientale de la Sardaigne, dans un petit village du nom de Santa Lucia di Siniscola. On retrouve notre héroïne, Vanina.

Tout est prétexte dans ce récit aux plaisirs des sens. On sait dès le début comment cela finira mais les descriptions sont d'une somptuosité inouïe. Un feu intérieur ronge Vanina. Celui du désir et de sa quête exacerbés par les paysages, la chaleur, la mer que l'on devine superbe.

Si vous aimez la Littérature alors il faut absolument lire ce livre et cet auteur ; si cela n'est déjà fait. C'est de la poésie à l'état pur. Aucun voyeurisme du type érotico-pornographique de bas de gamme. On est loin, très loin de ce que l'on peut lire aujourd'hui.

On a tous connu des moments similaires, mais qui se sont peut-être arrêtés trop tôt…

Alors il nous reste ce style et cette superbe écriture qui nous fait dire que la vie est la plus forte:

"Les lis de mer avaient une autre blancheur, nimbée de feu, sur le vert feuillage pointu qui brillait aussi, débordant la crête de la dune, et leur parfum roulait au fond de l'arène un flot plus puissant et plus lourd que jamais."

Il faudrait citer tout le livre...

Je considère André Pieyre de Mandiargues comme une des plus belles plumes du XXème siècle.



Wednesday, May 31, 2006

Jan Vermeer et la Lumière


Ce qui me touche chez Vermeer, c'est la douceur des couleurs qui est proprement inouïe.

Les sources de lumière diffuse une émotion incroyable et éclaire souvent les tissus et les rendent irréels.

Je me souviens de l'exposition Vermeer au Prado à Madrid. L'exposition proposait des toiles du Maitre associées à d'autres peintres hollandais tels que Pieter de Hooch, Nicolas Maes,…

Voir un tableau de Vermeer est une réellement expérience inoubliable.

Bien sûr, le Prado renferme des merveilles telles que le triptyque "Jardin des délices" de Jérôme Bosch, de nombreux Vélasquez, des Goya, … et tous ceux que j'ai oubliés. C'est là, le problème, on oublie ce qui ne nous parait pas essentiel, mais Vermeer c'est un tel miracle de délicatesse et de beauté…

Par exemple, "la fille au chapeau rouge" est un tableau de 24cm sur 17cm !

Un si minuscule bout de toile … pour une si grande émotion. Au Prado, dans la gallerie, on ne le voyait presque pas, mais une fois devant on ne voit que lui.


Vermeer :
- la jeune fille au chapeau rouge
- National Gallery of Art, U.S.A.
- Une femme jouant de la guitare. - London, Kenwood

Monday, May 29, 2006

Gustav Leonhardt, Pietr Claesz et les Autres

Gustav Leonhardt est un maitre. Et pas seulement du clavecin. C'est toute l'âme des Couperin, Frescobaldi et autres génies du XVIIème qui transparait dans ses enregistrements.

Faites un essai. Regardez attentivement par exemple un tableau de Pietr Claesz. Puis fermez les yeux. Écoutez alors Leonhardt. Alors tout bouge. Les éléments si statiques s'animent devant vous. Les voix chuchotent tout d'abord, puis les cris…

Je trouve les natures mortes plus vivantes que bon nombre de fresques ou de portraits. Prenez "Napoléon franchissant les Alpes au col du mont Saint Bernard" de David. Ce tableau sonne faux. Pour cause, Napoléon a franchit les Alpes sur une mule !

Ce n'est pas l'art du peintre David qui est en cause, mais le fait qu'il n'y pas eu au départ d'émotion, ni le recueillement nécessaire. Un tableau doit naitre de l'imagination. La toile n'est que son prolongement. Dans une nature morte, on crée un environnement et on ajoute des éléments qui reflètent forcement certaines de vos pensées…

Les natures mortes suggèrent, à vous de faire les pas suivants. A vous d'en fixer les règles. Savez-vous que la musique écrite pour clavecin ne possède pas de nuances. C'est à l'interprète de créer la dynamique nécessaire à sa vision. Le silence devient alors musique, puis espace et les notes la vie.

Quelle période ! Alors il faut les réécouter ces Byrd, Frescobaldi, Froberger, Couperin et surtout ne pas s'arrêter aux premières notes, à leur apparente austérité.

Encore merci Mr Leonhardt pour ces heures précieuses où le temps s'arrête et continuez à nous enchanter.

A écouter (entre autre...) : Frescobaldi, Couperin, par Gustav Leonhardt, collection Alpha α

Wednesday, May 24, 2006

Du coté de l'aurore,

La légende des siècles,

Aimé, détesté, les deux peut-être. Une fois ouvert, le mal est fait. On sait dès les premiers vers, que ce livre sera inoubliable. La force des mots est inouï, les images des bourrasques de vent. Ce vent glacial qui terrassent et ramène le Lecteur à sa condition. Alors, les premières pages passées, on referme vite ce livre et on le range bien au fond de sa bibliothèque. Mais on sait pertinemment que l'on va aller le rechercher, un soir. Comme on retourne chez son grand-père pour écouter les mots qui rassurent, tout en espérant le contraire.

Du côté de l'aurore,
L'esprit de l'Orestie, avec un fauve bruit,
Passait ; en même temps, du côté de la nuit,
Noir génie effaré fuyant dans une éclipse,
Formidable, venait l'immense Apocalypse ;
Et leur double tonnerre à travers la vapeur,
À ma droite, à ma gauche, approchait, et j'eus peur
Comme si j'étais pris entre deux chars de l'ombre.
Ils passèrent. Ce fut un ébranlement sombre.
Et le premier esprit cria : Fatalité !
Le second cria : Dieu ! L'obscure éternité
Répéta ces deux cris dans ses échos funèbres.
Ce passage effrayant remua les ténèbres ;
Au bruit qu'ils firent, tout chancela ; la paroi
Pleine d'ombres, frémit ; tout s'y mêla ; le roi
Mit la main à son casque et l'idole à sa mitre ;
Toute la vision trembla comme une vitre,
Et se rompit, tombant dans la nuit en morceaux ;
Et quand les deux esprits, comme deux grands oiseaux,
Eurent fui, dans la brume étrange de l'idée,
La pâle vision reparut lézardée,
Comme un temple en ruine aux gigantesques fûts,
Laissant voir de l'abîme entre ses pans confus.

La Légende des Siècles,
La vision d'où est sorti ce livre
J'ai toujours aimé Victor Hugo. Mais il m'impressionne par son coté monumentale voire boursoufflé. Mais les gens raisonnables m'ennuient, m'exaspèrent.