La mer! partout la mer! des flots, des flots encor

Wednesday, May 31, 2006

Jan Vermeer et la Lumière


Ce qui me touche chez Vermeer, c'est la douceur des couleurs qui est proprement inouïe.

Les sources de lumière diffuse une émotion incroyable et éclaire souvent les tissus et les rendent irréels.

Je me souviens de l'exposition Vermeer au Prado à Madrid. L'exposition proposait des toiles du Maitre associées à d'autres peintres hollandais tels que Pieter de Hooch, Nicolas Maes,…

Voir un tableau de Vermeer est une réellement expérience inoubliable.

Bien sûr, le Prado renferme des merveilles telles que le triptyque "Jardin des délices" de Jérôme Bosch, de nombreux Vélasquez, des Goya, … et tous ceux que j'ai oubliés. C'est là, le problème, on oublie ce qui ne nous parait pas essentiel, mais Vermeer c'est un tel miracle de délicatesse et de beauté…

Par exemple, "la fille au chapeau rouge" est un tableau de 24cm sur 17cm !

Un si minuscule bout de toile … pour une si grande émotion. Au Prado, dans la gallerie, on ne le voyait presque pas, mais une fois devant on ne voit que lui.


Vermeer :
- la jeune fille au chapeau rouge
- National Gallery of Art, U.S.A.
- Une femme jouant de la guitare. - London, Kenwood

Monday, May 29, 2006

Gustav Leonhardt, Pietr Claesz et les Autres

Gustav Leonhardt est un maitre. Et pas seulement du clavecin. C'est toute l'âme des Couperin, Frescobaldi et autres génies du XVIIème qui transparait dans ses enregistrements.

Faites un essai. Regardez attentivement par exemple un tableau de Pietr Claesz. Puis fermez les yeux. Écoutez alors Leonhardt. Alors tout bouge. Les éléments si statiques s'animent devant vous. Les voix chuchotent tout d'abord, puis les cris…

Je trouve les natures mortes plus vivantes que bon nombre de fresques ou de portraits. Prenez "Napoléon franchissant les Alpes au col du mont Saint Bernard" de David. Ce tableau sonne faux. Pour cause, Napoléon a franchit les Alpes sur une mule !

Ce n'est pas l'art du peintre David qui est en cause, mais le fait qu'il n'y pas eu au départ d'émotion, ni le recueillement nécessaire. Un tableau doit naitre de l'imagination. La toile n'est que son prolongement. Dans une nature morte, on crée un environnement et on ajoute des éléments qui reflètent forcement certaines de vos pensées…

Les natures mortes suggèrent, à vous de faire les pas suivants. A vous d'en fixer les règles. Savez-vous que la musique écrite pour clavecin ne possède pas de nuances. C'est à l'interprète de créer la dynamique nécessaire à sa vision. Le silence devient alors musique, puis espace et les notes la vie.

Quelle période ! Alors il faut les réécouter ces Byrd, Frescobaldi, Froberger, Couperin et surtout ne pas s'arrêter aux premières notes, à leur apparente austérité.

Encore merci Mr Leonhardt pour ces heures précieuses où le temps s'arrête et continuez à nous enchanter.

A écouter (entre autre...) : Frescobaldi, Couperin, par Gustav Leonhardt, collection Alpha α

Wednesday, May 24, 2006

Du coté de l'aurore,

La légende des siècles,

Aimé, détesté, les deux peut-être. Une fois ouvert, le mal est fait. On sait dès les premiers vers, que ce livre sera inoubliable. La force des mots est inouï, les images des bourrasques de vent. Ce vent glacial qui terrassent et ramène le Lecteur à sa condition. Alors, les premières pages passées, on referme vite ce livre et on le range bien au fond de sa bibliothèque. Mais on sait pertinemment que l'on va aller le rechercher, un soir. Comme on retourne chez son grand-père pour écouter les mots qui rassurent, tout en espérant le contraire.

Du côté de l'aurore,
L'esprit de l'Orestie, avec un fauve bruit,
Passait ; en même temps, du côté de la nuit,
Noir génie effaré fuyant dans une éclipse,
Formidable, venait l'immense Apocalypse ;
Et leur double tonnerre à travers la vapeur,
À ma droite, à ma gauche, approchait, et j'eus peur
Comme si j'étais pris entre deux chars de l'ombre.
Ils passèrent. Ce fut un ébranlement sombre.
Et le premier esprit cria : Fatalité !
Le second cria : Dieu ! L'obscure éternité
Répéta ces deux cris dans ses échos funèbres.
Ce passage effrayant remua les ténèbres ;
Au bruit qu'ils firent, tout chancela ; la paroi
Pleine d'ombres, frémit ; tout s'y mêla ; le roi
Mit la main à son casque et l'idole à sa mitre ;
Toute la vision trembla comme une vitre,
Et se rompit, tombant dans la nuit en morceaux ;
Et quand les deux esprits, comme deux grands oiseaux,
Eurent fui, dans la brume étrange de l'idée,
La pâle vision reparut lézardée,
Comme un temple en ruine aux gigantesques fûts,
Laissant voir de l'abîme entre ses pans confus.

La Légende des Siècles,
La vision d'où est sorti ce livre
J'ai toujours aimé Victor Hugo. Mais il m'impressionne par son coté monumentale voire boursoufflé. Mais les gens raisonnables m'ennuient, m'exaspèrent.

Tuesday, May 23, 2006

Emily souffla les bougies et les ténèbres scintillèrent...

J'ai longtemps rêvé Victor Hugo rencontrant Emily Brontë (pas ses sœurs, Branwell éventuellement). Cela aurait du se passer à Guernesey vers 1853, juste quelques années après la publication du chef-d'œuvre d'Emily.

Je vous entends me dire que cela n'était pas possible. Certes, mais il ne serait pas étonnant que nous ayons retrouvé, à Hauteville, dans la bibliothèque, une version de Wuthering Heights ; peut-être en savez-vous plus ?

Mais si Hugo a lu ce roman, je suis sur qu'il a sentit les esprits flotter sur la lande (the moors). Emily aurait pu être sa fille, celle à qui il aurait confié ses craintes, ses révoltes, ses contradictions. Tout ce qui les rendent si attachants. On leur pardonne tout à ceux-là ! Mais quand même, ne me dite pas qu'il n'existe pas une communauté d'esprits quelque part ! Un endroit où nous pourrions tous nous retrouver, un de ces jours, pour parler du bon vieux temps et ne rien perdre de tout cela.

En attendant, laissons Emily secouer ce pauvre Lockwood... qui se trouve dans une chambre de la demeure de Heathcliff. Suite à une tempête de neige, il se trouve contraint de dormir à Wuthering Heights et ce grace à l'intervention de Zillah, la servante ; sinon qui sait ce qu'il serait advenu de notre pauvre narrateur ? Bref, il est conduit dans une chambre ou se trouve ... une caisse en chêne ou il va passer nuit, enfin quelques heures mouvementées.

...
The ledge, where I placed my candle, had a few mildewed books piled up in one corner; and it was covered with writing scratched on the paint. This writing, however, was nothing but a name repeated in all kinds of
characters, large and small - CATHERINE EARNSHAW, here and there varied to CATHERINE HEATHCLIFF, and then again to CATHERINE LINTON.

In vapid listlessness I leant my head against the window, and continued spelling over Catherine Earnshaw -
Heathcliff - Linton, till my eyes closed; but they had not rested five minutes when a glare of white letters started from the dark, as vivid as spectres - the air swarmed with Catherines; and rousing myself to dispel the obtrusive name, I discovered my candle-wick reclining on one of the antique volumes, and perfuming the place with an odour of roasted calf-skin.
....

Emily Bronte ; Wuthering Heights, Chapter III

La première partie de ce roman est une réussite totale ; la deuxième étant elle rédemptrice. Mais le tout est absolument splendide.

La litterature anglaise de cette époque a légué nombre de chef-d'oeuvres ; je reviendrai sur le sujet et aimerais abordé avec vous Uncle Silas de Le Fanu

Monday, May 22, 2006

Hugo, le Gothique

Malheureux, si vous qui n'avez jamais plongé dans l'univers gothique hugolien, n'attendez pas que les vagues du Remord vous submergent, procurez vous un livre de Hugo le Dessinateur1. Si vous habitez Paris et si cela n'est pas déjà fait, courrez Place des Vosges à la Maison de Victor Hugo. Vous ferez la rencontre d'une plume et d'un encrier génial à démesure de son auteur.

A la lecture de la merveilleuse biographie d'Alain Decaux2, on ne peut oublier Hugo faisant tourner les tables en espérant secrètement
retrouver, l'espace d'un rêve, sa fille Léopoldine.

"Dieu ne veut pas qu’on ait le paradis sur la terre"
lettre à Louis Bertin, 10 septembre 1843


Regardez les encres jetées par Hugo, c'est un appel aux forces qui nous dépassent. Ce phare n'est-il pas le lien qui unit terre et mer à l'au delà ? Quelque part, il me rappelle
Ar-Men, le phare de l'Impossible et sa terrible histoire.

Le phare d'Eddystone
Plume, encre brune et lavis sur papier beige, 1866.
Paris, Maison de Victor Hugo

1Dessins : Victor Hugo, l'homme océan, au Seuil

2A lire absolument : Alain Decaux, Victor Hugo, chez Perrin


Sites à consulter :


Thursday, May 18, 2006

Pourquoi "Les Orientales" ?

Pour Victor Hugo le poète. Pour l'amour des mots. Un jour il est arrivé et tout a vacillé, tremblé. Rien ne lui résiste. Il est à lui seul l'alpha et l'oméga ; le meilleur et le pire voire l'insupportable. Bref qui peut rivaliser avec Le Poète ?


Ecoutez...

La mer! partout la mer! des flots, des flots encor.
L'oiseau fatigue en vain son inégal essor.
Ici les flots, là-bas les ondes;
Toujours des flots sans fin par des flots repoussés;
L'oeil ne voit que des flots dans l'abîme entassés
Rouler sous les vagues profondes.

Parfois de grands poissons, à fleur d'eau voyageant,
Font reluire au soleil leurs nageoires d'argent,
Ou l'azur de leurs larges queues.
La mer semble un troupeau secouant sa toison:
Mais un cercle d'airain ferme au loin l'horizon;
Le ciel bleu se mêle aux eaux bleues.

– Faut-il sécher ces mers? dit le nuage en feu.
– Non! – Il reprit son vol sous le souffle de Dieu.

Les Feux du Ciel, II (Les Orientales)


C'est un mystique. Oui et alors, seule la quête de l'absolu transcende le quotidien. Il aimait trop les femmes me direz-vous. Je vous répondrais que l'art est éminemment féminin dans sa générosité, dans sa gratuité, dans sa cruauté.

Voilà, je voudrais ce blog ouvert à tous ceux que le démon des mots poursuit dans leurs rêves, ceux qui veulent partager leur amour des livres avec d'autres.